Quelques extraits d'un ancien blog (2011)


Un vert



Vert de boue, vert de l'eau d'un fleuve sale et vaseux. Vert de pourriture et de fiente de pigeon. S'il ne tirait pas vers l'ocre ou le brun, ce vert serait sans doute magnifique, flamboyant, tendre, parfumé de menthe. Mais il y a cette salissure... cette mollesse étrange.  

La boue, l'humidité, comme les rebords sales et glissants de la Marne en plein hiver, au bord de laquelle je me promenais quand j'étais petit. La maladie, la nausée... couleur d'égout, couleur des personnages de BD quand ils ont envie de vomir. Un rien de trop bleu dans ce vert, couleur de la moisissure.  

Vert tendre, vert visqueux, vert mou, sourd, gluant, répugnant presque.  

Si ce vert était une odeur ? Une odeur étouffante et quelque peu nauséabonde, peu importe laquelle. Une odeur de renfermé par exemple.

Un manque de vie. Un vert éteint. Un vert de mort.

Regardez donc bien ce carré verdâtre, et essayez de vous le représenter comme une petite porte donnant sur un monde qui serait entièrement de cette couleur et dans lequel on pourrait entrer si l'on franchissait cette porte...
Imaginez que vous soyez tout entier dans ce vert. Quelle impression étrange nous envahit à cette pensée ! Car il est impossible de concevoir qu'on puisse respirer dans cette atmosphère et, rien qu'à regarder ce petit carré, on étouffe. Un bleu azur procurerait certainement une sensation bien différente... alors qu'il n'y absolument aucune raison ! Ce sont, après tout, deux couleurs comme les autres...

On n'en finirait pas de réfléchir à la question de savoir si ce vert a quelque chose de répugnant à cause de toutes les choses du monde réel qu'il évoque ou si, au contraire, ces choses sont répugnantes parce qu'elles sont de cette couleur verdâtre.

Qu'une eau putride soit toujours de cette couleur, certes, mais on pourrait très bien imaginer que, dans un autre monde que le nôtre, les eaux putrides des marécages fussent bleues, orange ou encore d'un charmant jaune pastel.

Ce jaune serait-il alors répugnant ? 

Grande question... à laquelle nous tenterons de répondre bientôt.

10/05/2012
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Du rouge à l'orange




Qui ne s'est jamais disputé gentiment avec un ami au sujet du nom à donner à la couleur d'un bâtiment, d'un objet, d'un poisson ou je ne sais quoi ? Quand la teinte est ambiguë, on a souvent des avis divergents.

Voici une grande question : où place-t-on mentalement la limite entre le rouge et l'orange ?

Je ne prétendrai pas y répondre ici... tellement de facteurs sont en jeu et le phénomène est subjectif.

Néanmoins, à partir de l'image ci-dessus, je me suis livré à un petit exercice.

En partant du haut et en faisant défiler assez lentement l'image vers le bas, j'ai attendu de pouvoir dire "stop" au moment de franchir la limite de l'orange. Je suis arrivé environ à la graduation n°16-17.

J'ai ensuite fait l'exercice en partant du bas : je suis arrivé à peu près dans la même zone en fixant la limite entre orange et rouge mais, à ma grande surprise, je suis allé beaucoup plus vite... cela n'a été l'affaire que d'une secondes ou deux, alors que j'avais besoin de beaucoup plus de temps la première fois.


En d'autres termes, il me semble beaucoup plus facile de dire quand on parvient au rouge en partant de l'orange que de dire quand on entre dans l'orange à partir du rouge.

C'est comme si le rouge, par sa force, sa vivacité et son action puissante sur le regard, se laissait pénétrer par l'orangé en douceur, sans qu'on y prenne garde...

Alors que, quand on part de l'orangé, la limite du rouge paraît s'imposer bien plus violemment et nous faire dire "stop !" avec beaucoup plus de certitude et de conviction.

Je reviens sans cesse au même problème : le jaune semble plus "discret", plus "poli" que le rouge qui, lui, frappe à la porte de la conscience et du regard beaucoup plus violemment.

Le jaune est comme un chat qui rentre dans la pièce à pas de velours, tandis que le rouge s'impose en hurlant.

À moins que ce ne soit l'orangé qui s'éclipse en douceur et le rouge qui refuse de s'en aller... Peu importe : dans tous les cas, aussi étrange que cela puisse paraître, le problème est presque sentimental


10/05/2012
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Nuance de rose



Couleur paisible s'il en est. Impossible à nommer, au demeurant : parlerait-on d'une nuance rose, ce serait occulter la part de beige... parlerait-on d'une nuance de beige, ce serait ignorer son aspect roseâtre. On n'oserait pas non plus parler de "blanc cassé" : ce ton est trop coloré pour être comparé à du blanc.

Cette couleur évoque une matière fluide, molle, huileuse, un peu comme la substance d'un à-plat gras de peinture épaisse. Essaie-t-on de la penser comme la couleur de fond d'un espace dans lequel il faudrait respirer : on sent immédiatement que c'est impossible, qu'il y a quelque chose de laiteux dans ce ton qui empêche d'y voir de l'air, un horizon lointain, un espace.

J'ai dit "laiteux"... comment n'ai-je pas pu voir plus tôt que cette couleur avait aussi un goût ? Un goût de pâtisserie, un goût de lait-grenadine, un goût de pâte d'amande. Un goût sucré et doux. Un goût réconfortant.

Peut-être que cette impossibilité de respirer dans cette couleur et de la voir comme un espace vide et étendu est-elle due, précisément, à cette nature crémeuse essentiellement alimentaire, à cette matérialité pâteuse qui donne faim.

Mais... la même question revient sans cesse : a-t-on coloré la pâte d'amande ou la guimauve ainsi pour les rendre appétissantes, ou bien est-ce cette couleur qui rappelle la pâtisserie ?

Cette couleur est aussi celle de nombreuses maisons du Sud de la France... peinture épaisse et grasse, là encore.

Si ce ton était un bruit, ce serait le bruit d'une bulle de crème qui éclaterait mollement au moment de bouillir sur le feu. Ou n'importe quel son étouffé, gluant, bio-morphique, organique...





10/05/2012
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Rouge"vif"



Le rouge le plus agressif qui soit... Un sentiment d'oppression étrange nous envahit. Mais si ce rouge n'est pas "reposant", il n'en est pas pour autant source de vitalité épanouissante et paisible. 

Regardez ce rouge en essayant d'oublier tout ce qu'il évoque, pour ne prêter attention qu'à la sensation que procure la couleur, et rien que la couleur.

Fixez-le du regard, et plongez-vous dans sa teinte. C'est comme si une urgence se répétait inlassablement à la conscience, ce rouge ne nous laisse pas tranquille... Le contraire d'une couleur reposante. La rêverie est comme interdite devant ce rouge, on ne peut pas penser à ce que l'on veut, tellement ce cri se répète dans l'esprit de celui qui regarde ce rouge presque obsédant. 

Si l'on pouvait baigner tout entier dans un espace qui serait uniformément d'un tel rouge, l'on se sentirait agressé de toutes parts.

Est-ce seulement dû à une symbolique des couleurs qui voudrait que ce rouge-là soit précisément celui du sang ? C'est possible... et il est tout à fait probable que le cerveau, quelque part, garde en lui une trace d'un passé de notre évolution où la vision du rouge était... un mauvais signe. Comment expliquer autrement cette légère inquiétude qui naît de la contemplation d'un simple petit carré de couleur ?

Mais on pourrait tout aussi voir ce rouge comme celui d'une cerise à peine mûre ou de n'importe quel autre fruit rouge... ou d'un coquelicot, ou encore des lèvres d'une femme maquillée ou, que sais-je, d'un bonbon dans une boulangerie.

Ce rouge semble irradier de chaleur et de mystère... c'est le rouge du risque: on ne sait pas vraiment à quoi on a affaire. Mais il faut agir. 

Le rouge de la révolution, le rouge du robinet d'eau chaude, le rouge des voitures de sport...

C'est comme si ce rouge invitait au mouvement, dans ses différentes variantes : combat guerrier, danse fougueuse, ébats amoureux, vitesse, défoulement.

On est alerte, attentif, il est interdit de rêver, de s'endormir devant ce rouge, interdit de se reposer... une part de nous-même a peur, une autre voudrait se battre et partir en guerre. La couleur de la vivacité et de l'énergie.

Que serait l'énergie sans la force qui lui opposerait une contrainte ?

Voilà l'ambivalence de ce rouge... "vif". 


10/05/2012
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la droite, la gauche et leurs couleurs



C'est presque imperceptible, mais sentez-vous la légère variation de couleur entre ces deux rectangles ? Les deux sont pourtant du même blanc.

Mais celui de gauche semble d'une teinte plus froide que celui de droite... J'ai beau passer de l'un à l'autre et refaire l'expérience à différents endroits de mon écran, j'arrive toujours au même résultat : quand je passe de droite à gauche, le blanc se refroidit, comme s'il se teintait très légèrement de bleu. Quand je passe du rectangle de droite au rectangle de gauche, c'est l'inverse : j'ai essayé de voir le rectangle de gauche le plus rouge possible, quand je suis passé à droite ça s'est "réchauffé"... et même peut-être assombri.

Cela n'a rien de bien surprenant, le cerveau est, après tout, un enchevêtrement de neurones qui ont certainement en commun des fonctions aussi diverses que d'exprimer le positionnement dans l'espace, la couleur, les sons, les odeurs, etc.

Ce qui explique qu'on soit plus ou moins capable de percevoir un son dans une couleur, une odeur dans une forme ou, en l'occurrence : une nuance de couleur dans un positionnement dans l'espace.

Je suis droitier : le phénomène que je perçois serait-il inverse pour un gaucher ? Auquel cas ce serait bien le positionnement en fonction de l'axe droite/gauche qui influerait sur la perception de la nuance de couleur.

Mais alors, si tel était le cas, pourquoi donc la gauche serait-elle, pour un droitier, plus bleue que la droite ? (Et vice-versa pour un gaucher)

La droite, pour un droitier, est l'espace de l'action et de la maîtrise de ses gestes, du mouvement sûr, du contrôle et de la force.

J'ai suggéré dans un billet précédent que le rouge était une couleur plus active, plus violente, plus fougueuse que le bleu, paisible, calme, serein. Pourrait-on étendre aux couleurs chaudes en général ? En effet, il ne me semble pas que le rectangle de gauche soit spécialement "rouge" : simplement plus chaud (j'irai même jusqu'à le voir jaune... mais je ne veux pas trop m'avancer).

Je viens de faire une expérience étrange : en comparant ma main droite et ma main gauche d'un point de vue sensoriel, il me semble en effet que la sensation de froid s'applique mieux au bras gauche qu'au bras droit.

Le froid n'est-il pas ce qui engourdit, ce qui rend justement... "gauche" ? 


13/05/2012
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Le mauve



Comme une invitation au délassement, ce mauve brumeux a quelque chose de méditatif, reposant.

Mais comment donc une couleur peut-elle être "reposante" ?

Qu'il s'agisse d'un son strident, d'une couleur trop vive ou d'un goût trop acide, les stimuli sont parfois capables d'appeler à eux la conscience sans qu'on n'ait le choix de faire autre chose que de les percevoir. Il y a une impolitesse de certains sons, couleurs, odeurs, qui contraignent l'esprit à rester en alerte malgré lui : un rouge criard est oppressant, une lumière trop vive fait mal aux yeux, un bruit de klaxon fait sursauter.

Or ce n'est pas le cas ici : le regard semble se poser doucement sur cette surface qui n'offre aucune résistance, qui ne force pas les portes de la conscience pour s'imposer mais qui, au contraire, laisse l'esprit rêver et se retourner librement vers son intérieur.

On comprend donc mieux pourquoi cette couleur est "reposante" : parce qu'elle laisse le regard tranquille, comme un accord mineur sur un piano en sourdine à peine audible pour l'oreille... poli, doux, ouaté.

On pourrait également dire quelques mots sur la matière de cette teinte : couleur d'un espace confiné, intime... texture douce, cotonneuse, vaporeuse. Aucune forme lointaine ne semble pouvoir être discernée, c'est comme si les choses ne pouvaient être visibles que de très près, sortant du brouillard.

Bien sûr, il n'y a rien là d'inquiétant : aucune créature malfaisante, aucun danger ne pourrait surgir de cette atmosphère mauve et sucrée... On se sent en sécurité, condition première du repos.






13/05/2012
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Une fenêtre qui s'ouvre



Fixez du regard le carré noir qui se trouve en haut à droite, puis passez d'un carré à l'autre comme si ceux-ci balisaient un chemin qui irait vers le bas en zig-zaguant.

Au troisième carré : un cri, un souffle, une fenêtre qui s'ouvre, la lumière entre... une certaine joie, un rire aussi. On est, à ce moment précis, comme rassuré. C'est à peine perceptible, mais néanmoins palpable, quelque chose se passe dans l'esprit.

Quoi exactement ? Difficile à dire: est-ce dû au passage de gauche à droite ? Au passage du fond blanc au fond noir ? À la transition entre la couleur noire du deuxième carré et le blanc du troisième ? Ou encore au passage de bas en haut ? Ou même, pourquoi pas, à la distance plus réduite entre le deuxième et le troisième carré, qui fait que celui-ci nous prend quelque peu par surprise...?

C'est tout cela à la fois, probablement...

Autre chose : Cela ne vient-il que de moi ou le carré blanc d'en bas semble moins clair que celui du dessus ? J'irai même plus loin : le troisième carré (en partant du haut) me semble teinté de jaune, tandis que le dernier me semble légèrement teinté d'un brun rougeâtre... J'ai beau déplacer l'image sur mon écran dans tous les sens j'ai toujours ce sentiment alors que les deux carrés sont absolument du même blanc.






13/05/2012
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